De Nazaré à Angra Do Heroismo
2 au 7 juillet 2024
De Nazare à Angra do Heroismo ( Acores )
Pour commencer et aider à décrypter ce qui suit, nous allons passer en revue quelques notions et termes de « voileux ». Les plus expérimentés peuvent évidemment éluder le passage.
// Le vent étant le moteur du voilier, c’est sur cet élément que nous allons donner des précisions:
D’abord la direction :
On note « Angle de vent réel » l’angle que fait le vent avec l’axe du bateau. De 0°, face à l’avant ,à 180° plein de l’arrière.
L’ »allure », n’est pas la mise du capitaine (peu fringante avec sa barbe de quelques jours) mais cette direction du vent par rapport à l’axe du bateau :
« bout au vent » , de 0° à 45°, « près » (du vent) de 45° à 90°, « travers », autour de 90°, et « portant » entre 90 et 180°.
Je vous épargne les subtilités mais plus l’angle est faible au « près » , plus ce « près » est dit « serré ».
A l’inverse plus le vent vient de l’arrière et plus l’ »allure » est « arrivée » .
On dit que le vent « refuse » quand il tourne de plus en plus vers l’avant, et qu’il « adonne » quand il fait le contraire et devient plus « portant » .
On comprend au sens commun des mots que l’équipage préfère être poussé (porté) par le vent que l’inverse.
Enfin, un bateau moderne de par ses caractéristiques aéro et hydro dynamiques, peut aller vers le vent au mieux aux alentours de 45°, soit au « près serré ».
Ce qui implique, si on veut aller dans la direction dans laquelle souffle le vent, de zigzaguer (« louvoyer » ) en « tirant des bords » c’est à dire en partant d’un côté pendant un moment, puis en virant sur l’autre coté , puis de l’autre … etc … en « remontant » vers l’endroit d’où souffle le vent.
Chaque voile a un nom : La « grand Voile » (celle de l’arrière) et des voiles d’avant.
Une assez grande « le génois » , une de même forme triangulaire mais plus petite la « trinquette » , et des voiles pour le « portant » : le gennaker qui ressemble au deux précédentes mais en bien plus grand, et les spinnakers, bulles colorées bien connues pour les « allures » plus « arrivées » .
Toujours là ? Bon passons à l’article : //
"Allures" d'un voilier
Angle entre l'axe du bateau et la direction du vent
De Nazaré à Angra
Il y a 850 milles nautiques de Nazare/Portugal à Angra Do Heroismo sur l’ile de Terceira aux Açores .
Une bonne trotte prévue en 5 jours de mer environ.
Sur ce genre d’étape, les prévisions locales à moyen terme sont très incertaines, d’autant plus qu’à l’approche des Açores se tapit l’anticyclone dit « des Açores », qui refuse obstinément cette année d’aller voir plus au septentrion.
Jusqu’à la moitié du parcours environ c’est un bon vent de travers qui nous attend en principe, et sous le soleil !
Banco ! le 2 juillet au matin, on met les voiles …
Dans un épais brouillard et un vent poussif …
Mais c’est habituel le matin au plus près des côtes du Portugal avec un vent de Nord.
Le capital moral reste intact et en effet, la brise forcit et le soleil apparait vers midi.
En milieu d’après-midi le sillage est déjà bien marqué sous grand voile haute et génois, plein travers dans un vent de 20 nœuds.
A la nuit tombante la direction du vent n’a pas changé mais on frise déjà les 30 nœuds dans les rafales.
La mer devient grosse, elle aussi de travers.
En milieu de nuit, quelque peu agitée (!), la question de passer à la trinquette me tarabuste.
Surfer à 10 nœuds nous rapproche du but à grand pas mais la présence de nombreux cargos et les conditions pour piquer de petites siestes interrogent.
Le liston (là où la coque rejoint le pont) n’est pas encore dans l’eau, c’est mon signal ultime, quand j’ai trop procrastiné à réduire la toile.
Le JPK45 est très « raide à la toile » (pour les novices cela signifie qu’il gite peu sous les rafales) j’hésite donc à monter dans le cockpit qui reçoit de plus en plus d’embruns.
Mais vers 1 heure du matin (locale) une grosse déferlante couche complétement Loargann avec une cataracte sur le pont et un bon bazar à l’intérieur !
Le pilote a du mal à maintenir le bateau sur la trajectoire.
Un cargo s’approche… Abattre en grand pour moins giter nous aurait trop éloigné de la route idéale pour gérer les vents de face en fin de parcours :
Alors un petit juron pour s’encourager et on passe à la trinquette et grand voile haute.
Comme on frise à présent les 35 nœuds dans une mer grosse, (4 à 5 m de creux) le confort, quoique relatif, est meilleur, on ne frappe plus les vagues et la vitesse est à peine réduite tout en maintenant le cap droit vers les Açores.
Au petit matin le déficit de sommeil est patent, le radar et l’AIS ayant été fréquemment sollicités par moult cargos.
Mais le vent va passer progressivement, dans la journée du 3 juillet, de 30 à 15 nœuds et on renvoie le génois.
La tentation d’envoyer le gennaker est forte mais vu l’état de fatigue, mieux vaut d’abord recharger les batteries.
Du bonhomme mais aussi du bord.
En effet, au petit matin, je trouve mon moral un peu en berne mais les batteries carrément déprimées.
Diantre, le pilote, le radar et Starlink ont tourné toute la nuit mais tout de même …
La mise hors tension du radar et d’internet ( pratique la nuit pour détecter de loin les AIS de classe A cf. : article « Starlink , installation et exemple d’emploi ») ne change pas grand chose.
Je ne me vois pas couper aussi le pilote et barrer en attendant que les panneaux solaires soient bien éclairés.
Surtout que le temps est très couvert…
Il y a quelque chose qui cloche !
Un tour dans la soute technique : R.A.S. :tous les producteurs (panneaux solaires et hydogénérateur sont en marche ).
Les batteries chargent comme en témoigne le contrôleur mais c’est lent et faible.
Un coup d’œil à l’hydrogénérateur sur le tableau arrière du bateau et je découvre le pot aux roses :
le système de retenue en position basse a lâché dans la nuit et l’hélice se la coule douce en surface au lieu d’œuvrer vaillamment à la production électrique.
Oui mais voilà, le courant électrique est vital, alors 10 minutes de calino-thérapie pour tout remettre en ordre et terminé pour les vacances !!
Depuis ça va, les ampères filent à nouveau dans les circuits et le voltage a retrouvé de l’embonpoint.
Ouf !
La nuit du 3 au 4 est presque une merveille :
vent modéré et constant, un seul cargo, je ne suis sorti de la bannette de veille que quatre ou cinq fois entre de bonnes sessions de rattrapage circadien.
Aussi au petit matin l’appétit revient. Pour les nourritures terrestres comme pour les milles marins.
Le vent s’alanguit alors on sort le gennaker.
On gagne un nœud.
Un peu court avec de plus le vent qui « refuse » .
Alors on sort la trinquette en jumelage. Encore un nœud au prix d’un angle de remontée au vent un peu dégradé
. Vivement les Açores…
Le 4 et le 5 se ressemblent mais le vent refuse de plus en plus et c’est à regret qu’au soir du 5 il faut rentrer le gennaker et dérouler le génois.
Le vent mollit et refuse toujours plus, si bien qu’au matin du 6 les prévisions d’heure d’arrivée à Angra se dégradent .
Pourvu que le vent tienne … Et c’est ce qu’il fait mais progressivement de plus en plus de face, si bien qu’il faut attendre le 7 au matin pour rejoindre Terceira en « tirant des bords « , 5 jours tout ronds après avoir quitté Nazaré. Presque 900 milles nautiques , soit 50 de plus que la loxodromique, chemin théorique le plus court à plus de 7 noeuds de moyenne … C’est honorable !
Loargann a mérité un peu de repos … pendant que le capitaine déchire les chemins de Terceira avec son VTT !