Escales
aux Acores

La première île abordée, après 5 jours de mer au départ des côtes du Portugal, est Terceira qui apparaît au petit matin du 7 juillet.

Le port de Terceira, Angra De Heroismo, semble bien protégé mais il y a un effet venturi qui accélère les vents d’ouest en de rageuses rafales et, sans doute par effet de résonance, l’eau y est très agitée.

Heureusement que Loargann est bien équipé en défenses comme en amarres de toute sorte.

En général, sur les îles, il règne une atmosphère un peu nonchalante, en tout cas décontractée.

Sans doute l’effet d’être un petit peu « hors du monde » et de sa fureur.

Terceira, nonobstant sa culture portugaise et son insularité, a perdu, sous la pression touristique, une partie de cette tranquillité.
On y trouve même un Macdo dont les effluves de graillon font faire un prudent détour !

Mais la ville d’Angra de Heroismo comme les richesses naturelles ont gardé leurs authenticités et même si ce n’est pas toujours spectaculaire, les balades sont agréables.

Parcourant à VTT ( électrique quand même : altitude 800m ) les reliefs volcaniques émoussés par le temps et à la végétation proche de la bretonne (entre autres les hortensias) j’ai pu goûter aux charmes bucoliques des bocages … et de la météo elle aussi bretonne !

Après 4 jours à attendre les conditions favorables : cap sur l’ile de Sao Jorge.

Sous spi mais dans une brise qui ne dépasse pas 10nds, on mettra 10 heures à rejoindre Velas au sud Ouest de Sao Jorge.

On dépasse une flottille de promène-touristes qui em… les baleines ( c’est ridicule mais au moins ça ne tue pas!) et on rattrape un voilier suisse qui progresse au moteur.

Je ne suis pas un prosélyte obtus de la voile, juste un humble thuriféraire, aussi je tolère ceux que trop d’efforts rebutent et qui s’aident du cheval vapeur au près ou au plein vent arrière.

En général, je me contente de les ridiculiser en les doublant, majestueusement, en silence.

Mais le suisse, devinant que j’allais arriver au port avant lui et lui faire concurrence pour l’accès au ponton, pousse à fond son moteur et réussit, comme le vent est faible, à s’accrocher.

Mon avance n’est pas confortable aux abords du port mais je suis devant : « Prem’s » comme on disait à l’école primaire.

Reste à affaler le spi et il sera « Grosjean comme devant » … bien que derrière Le Jean ( c’est mon nom de famille 🙂 .

Mais le vent est taquin et en moins de 10 minutes, le voilà déjà passé de 10 à 15 nœuds.

Je dois m’écarter de la route et engager fissa l’affalage.

Quand on manœuvre seul et que le vent en vient à flirter à présent avec les 20 nds il faut bien dérouler la procédure mainte fois révisée.

Je vais vous la décrire, c’est un peu long mais cela vous donnera une idée du temps passé , si vous n’y comprenez rien et que c’est indigeste , comptez seulement 2 minutes par phrase , ça donne le tempo :

Il s’agit ici du spi symétrique, dont l’avantage est son aptitude aux « allures très arrivées » ( voir article précédent « du Portugal aux Açores ») mais dont les réglages comme les manœuvres sont assez complexes.

D’abord, on relâche (on dit on choque) progressivement les écoutes tout en passant progressivement à un angle de vent réel d’environ 150° .

Le tangon vient lécher l’étai, on ajuste le hale-bas du tangon pour que celui-ci ne mâte pas et quand le spi faseye on capèle son harnais et on va descendre la chaussette.

Quelques allers-retours vers le cockpit sont nécessaires pour donner aux écoutes la longueur nécessaire sans pour autant qu’elles trainent dans l’eau au risque de passer sous le bateau.

Une fois la chaussette enfilée, on affale le tout par le panneau de pont, bien masqué par la grand voile et on ramasse tout ce qui traîne : tangon , écoutes, drisse, balancine et hale bas de tangon, drosse …

ça va, pas le mal de mer ?

« Tabernacle !!!  » ( ce n’est pas suisse mais canadien va me dire Claude sur Danuta !), nos suisses en ont profité pour filer à l’anglaise et me griller la politesse.

Mais je m’en moque car la marina de Velas où ils se ruent est large comme deux fois Loargann et pleine à craquer.

Je vise en fait un mouillage dans le port de Velas, qui bien qu’assez ouvert et rouleur, m’abritera pour la nuit.

Les oiseaux hurleurs (mise en garde de Pascal) vont même faire silence pour me laisser dormir et c’est frais et dispo que je parcours le 12 juillet Sao Jorge … en scooter.

Oui , je sais, je viens de moquer les adeptes du moteur, mais cette île en forme de paquebot aux falaises abruptes, fait 50 km de long et la route, tracée sur le plateau sommital, culmine dans les nuages à plus de 800m d’altitude.

Alors à vélo , il m’aurait fallu bivouaquer … sous la pluie !

Puis départ pour Horta, sur l’Ile de Faial, au matin du 13.

La traversée est courte d’une vingtaine de milles et le vent de travers soutenu nous pousse aux alentours des 9 Nds de moyenne sans effort.

Je me faisais une idée de Horta, les quais chargés de marins en goguette, les estaminets résonnant de chants de mer un peu crus …

Déception :

seuls résonnent les pétarades des motos qu’une coutume locale semble priver d’échappement.

C’est mort !

Même chez Peter Sport ,quasi le seul bar ouvert, l’ambiance est au sirotage de sodas par des familles apathiques.

Pas l’ombre d’un « Tomy » ou d’un « Teuton » beuglant occupé à soigner leur état de manque, conséquence d’une trop longue traversée sans bière pression.

Un vague concert sur le port tente bien d’empêcher les gens de dormir, mais rien n’y fait :

c’est mort !

Mon hypothèse c’est qu’Horta est une île étape.

La marina est pleine de bateaux qui attendent quelques mois au ponton que leurs équipages reviennent pour terminer une transat.

Loargann est de passage, nous n’avons eu le droit qu’à un mouillage à l’entrée du port… et bien soit, basta et départ sans tarder pour Vila do Porto sur l’ile de Santa Maria.

Santa Maria, la plus méridionale des Açores, apparaît derrière le spi dans l’après midi du 16 juillet.

Comme je n’ai pas eu de réponse de la marina à mon mail, je tente de voir avec l’AIS si le port est encombré.

Il semble qu’il y ait des bateaux qui le quittent mais je vois alentour une nuée de nouveaux arrivants en provenance de Sao Miguel, l’ile principale des Açores.

S’engage alors une régate virtuelle pour arriver le premier aux meilleures places …

Avec le grand spi , je fais la meilleure moyenne mais deux bateaux anglais tiennent une bonne cadence et possèdent une sérieuse avance,  mais à ce rythme je devrais les rattraper juste avant le port.

Et en effet, à quelques milles de l’arrivée, je les capte en visuel.

L’AIS me permet d’avoir leur vitesse et elle est surprenante !

Pourtant je ne distingue nul profil de coursier des mers, ni voile de portant, et même les voiles sont réglées n’importe comment !

Bigre, je règle le spi « aux petits oignons », je titille parfois les 9 Noeuds dans ce vent modéré et pourtant ils semblent même accélérer !!!

Et quand ils roulent leurs voiles  leur vitesse ne faiblit pas …

Argh !! les perfides: ils naviguent au moteur !

Voiles hautes mais sans doute juste pour stabiliser le bateau…

Et comme à Velas, les traîtres pénètrent dans le port pendant que j’affale le spi et prépare amarrage.

Quand j’entre à mon tour, ils ont trusté les places adaptées à Loargann.

Il me reste un trou de souris où j’arrive à me glisser, non sans avoir effrayé mon voisin de ponton qui aura beau faire une inspection détaillée et me demander mon assurance, ne trouvera pas la moindre trace.

Et pour cause, on me prendrait pour un représentant de commerce en défenses de tout type …

Les chemins de l’île sont bien entretenus et balisés, et il y a quelques plages.

J’en profite pour faire une petite boucle à pied de 17 km, ponctuée d’un bain rafraichissant à Praia de Preinha le 17 et deux parcours de VTT jusqu’au sommet de l’ile le 18 (qui culmine raisonnablement à 600m … dans les nuages !)

C’est la dernière escale avant Porto Santo puis les Canaries : le départ est prévu demain 19.