De Brest à Madère en longeant la Galice et le Portugal
Juillet Aout 2023
Evidemment, le 2 juillet, veille du départ de Brest, le petit crachin local s’épuise à nous rendre impatients de ciels plus cléments … Mais le lendemain, c’est avec soleil et bonne brise que Loargann et ses trois mousquetaires embouquent le goulet. Cap sur l’occidentale de Sein, dernière porte avant le Golfe de Gascogne et la plongée vers la Galice.
Presque 3000 milles nautiques entre Brest et Madère et retour
L’extraction est laborieuse jusqu’à Sein, vent faible et dans le nez, « comme d’habitude » grinceraient certains, et même courants contraires, nous retiennent comme les femmes de marin locales tentaient sans doute de retarder la séparation de leurs terre-neuvas … La première nuit n’est troublée que par les cargos, et c’est avec un certain soulagement que l’on accueille le vent qui monte. Joie toute relative bien vite tempérée par l’allure de près et la mer qui se lève.
Bientôt les estomacs seront mis à rude épreuve. L’amarinage est quelque peu brutal et je dois reconnaître que je prends ma part au ballet des vomisseurs ! Bien heureusement, même si je ne peux rien avaler pendant 24 heures, je garde mon énergie : Rarement frappé du mal de mer, les activités de cuisine à bord me sont donc dévolues, comme les travaux en soute. Mes forces ne m’abandonnent pas même en cas de crise sévère, baisse juste l’endurance à l’effort. Ceci dit, l’épreuve est tout de même pénible, surtout quand même le chocolat ne passe pas !
Après trois jours de mer et un estomac qui retrouve ses marques … « terre ! » : les hautes côtes galiciennes apparaissent enfin et l’équipage fourbu piaffe d’impatience d’atterrer. Le vent devenu enfin portant semble s’être lassé de nous mettre à l’épreuve ! On finit par donner une personnalité aux forces de la nature, et c’est dans l’adversité que l’on devient un peu mystique.
Le mouillage de Cedeira atteint à midi le 6 juillet, très protégé, où il est fort agréable de « recharger les batteries » de l’équipage par une tournée des bars et restaurants, nous retient pour la nuit !
La baie de Cedeira, un bon abri en mouillage forain
Originalement l’étape suivante devait être Laxe (prononcer Larré, c’est en Galicien) mais la météo indique un petit coup de chien, bref mais dans le nez, pour l’après-midi. Et c’est sous des rafales entre 30 et 35 noeuds que l’on se réfugie à la Corogne, Marina Real. Bon accueil et proximité de la vielle ville laissent un bon souvenir, comme d’ailleurs le bœuf Angus dont le sacrifice n’aura pas été vain pour la plus grande satisfaction d’un équipage plus amateur de bonne viande que de légumes verts !
Ça chahute toute la nuit et en effet le lendemain, le 8 juillet , la mer est bien houleuse et le vent … de face pour rejoindre Laxe!
Au départ de la Corogne – Le beau temps est revenu après une nuit agitée
Le mouillage de Laxe est un peu rouleur, le village sans grand charme mais la plage est belle et le rayon poissonnerie du supermercado bien achalandé en langoustines … Personne ne cédera sa part malgré les quasi 500gr par personne, il faudra même procéder à un décomptage minutieux pour dissiper toute jalousie ! Bizarrement les légumes verts ne semblent pas déclencher les mêmes réflexes de prédation…
Laxe dans les lumières du soir
Le lendemain, cap sur Fisterra derrière le cap Finisterre dont les seuls attraits sont le phare et le cap, que nous admirons d’en bas dans une mer et un vent maniable, et sa grande plage bien abritée de l’ouest et du nord où nous mouillons sagement en compagnie du Belem que nous avions déjà croisé à la Corogne.
Le cap Finisterre vu de l’entrée de la baie de Fisterra
Viennent ensuite les îles Atlanticas, qui sont de vraies merveilles. Ons, sauvage, à l’eau froide, puis Cies. Malgré les accès contingentés dans cette réserve naturelle, l’île principale de Cies est assaillie de touristes. La vue du phare à plus de 175m d’altitude, vaut bien l’effort pour y grimper. Le mouillage devant CIES est perturbé par les passages réguliers des navettes et la plage de l’île San Martiño, aussi appelée Ile CIES sud, qui m’était apparue du Phare, nous tend les bras ! Pas de balades à terre, c’est une réserve, mais la plage est un ravissement et reste quasi déserte, et l’eau cristalline attire même les plus réfractaires au bain de mer…
- Cies – Espagne – Mouillage de la playa das Rodas
- Ons – Espagne
- Cies – Espagne – Coté Ouest
- San Martiño – Espagne
- San Martiño – Espagne – La plage
- San Martiño – Espagne – La plage
Mais les délices de l’escale doivent prendre fin, Madère nous attend, et c’est loin, à 700 Milles soit presque 1400 km !
La première journée, le 13 juillet, est décevante avec un vent faible et contraire, évidemment, et le capital de zenitude accumulé à Cies est sérieusement entamé quand vient enfin le portant qui va nous faire dévaler sous gennaker les quelques 600 milles qui nous séparent encore de Porto Santo, vigie avancée de l’archipel de Madère.
Le mouillage devant la plage de Porto Santo, rejoint dans la soirée du 17, abrité de la houle et du vent de nord est une bénédiction.
Au mouillage devant Porto-Santo
Randonnée à vélo (électriques, Porto Santo : 400m d’altitude) et avitaillements faits nous voguerons sous spi toute la journée du 19 juillet pour rejoindre la marina de Caletha en contournant Madère par sa face nord, la plus sauvage. La côte sud, où se trouvent les ports est sous le vent dominant, nous passons donc quelques jours au calme et au ponton, et c’est en scooter de location que nous sillonnons l’île.
Madère a été transformée en gruyère, percée de tunnels pour faire rapidement le tour de l’île à la côte abrupte et entaillée de profonds ravins infranchissables. Mais l’ancienne route côtière est un délice en scooter. Il faut juste, comme en Corse, ne pas se fier à la distance entre deux points, on plafonne à une moyenne de 40 km/h si on veut en plus admirer le paysage franchement grandiose en altitude : 1700 mètres et quelques pentes à 20°.
Les sommets de Madère
Nos petites vestes ne suffisent d’ailleurs pas à nous protéger du froid de l’altitude, renforcé par l’humidité des nuages orographiques qui montent à l’assaut des sommets. Et c’est en état de congélation avancé que nous retrouvons à chaque redescente la chaleur moite des bords de mer.
Il n’y a pas de plage naturelle à Madère, tout juste quelques grèves de galets praticables côté sud, si bien que les lieux de baignades sont aménagés et … payants. A Montiz, le nom du lieu est « baignoires naturelles », mais c’est une escroquerie ! Faute d’attrait pour la baignade, ce sera les airs qui nous porteront : Le parapente est extrait du bateau, et à quelques kilomètres de là, je prends mon envol de chez Hartmunt, le biplaceur « local » dont le jardin est transformé en décollage. Il faut juste éviter d’écraser la poule qui parade au milieu avec ses poussins en bombant le torse ou plus exactement son jabot !
Les vols ne sont pas très techniques, peu turbulents, en thermodynamique calmes et prévisibles, il faut juste éviter de trop monter car le vent dominant venant par-dessus les montagnes apporte turbulences et nuages à relativement basse altitude. En fin d’après-midi, gare tout de même à la cumulification qui aspire les brises de mer et le parapentiste et il faudra tout de même que je déploie une procédure de descente rapide, le variomètre s’affolant de plus en plus et le nuage noir au-dessus se montrant franchement avide d’imprudents volatiles !
L’envol à Madère
Mais voilà le temps de rejoindre le continent, et tous pleins faits, nous rejoignons l’Anseada De Abra, échancrure enchâssée dans d’impressionnantes falaises volcaniques tout à l’Est de Madère, prêts à bondir le 26 juillet vers le Portugal …
L’Anseada de Abra … magnifique
Bondir … ou plutôt ramper dans un long, long, long bord de près qui s’éternise jusqu’à Cascais à l’embouchure du Tage. La traversée du rail des cargos, lors de la dernière nuit, tient plus du gymkhana que de la navigation ! Et c’est aux primes lueurs du jour, le 30, que nous accostons au ponton de la marina, momentanément repus, voire au bord de l’écœurement, de navigations nocturnes.
Cascais semble être la côte d’azur portugaise, et le tarif pour une nuit au ponton achève de me réveiller !
Si vous venez en bateau, n’hésitez pas à mouiller juste devant l’entrée de la marina, c’est très abrité par vent de nord … L’avantage des tarifs prohibitifs c’est qu’ils remotivent pour hisser de nouveau les voiles ! Ce qui fut fait dès le lendemain.
Au départ de Cascais, le vent qui contourne Capo Raso nous cueille à froid : trinquette, puis grand-voile réduite un ris sont requis …pendant à peine une heure. Cela aura au moins permis de réviser la réduction de toile et jusqu’à mi-journée, malgré les incontournables bords à tirer, la moyenne est très honorable à plus de 7 nœuds. L’arrivée prévue à Nazaré avant la nuit remonte le moral de l’équipage.
Patatras, ça mollit de plus en plus et nos espoirs s’évanouissent avec le jour.
Cabo Carvoeiro, naufrage du jour et de nos espoirs
Quand, enfin sortis du brouillard et du crachin tentant d’imiter le « vrai », l’authentique, le breton, qui nous sont tombés dessus en traîtres, apparaissent les lumières de Nazaré et son ponton salvateur il est déjà deux heures du matin.
Nous y serons dorlotés par le personnel de la marina, (merci Ricardo, Paulo, Antonio et même la dame de ménage qui m’a presque fait la bise à notre départ), pour la moitié du tarif de Cascais ! Un jour de brouillard épais, un autre mi-figue mi-raisin, mais qui laisse le temps d’un vol en parapente, et encore un dernier jour très venté mais sans kite ni surf, les rouleaux de bord de plage (« shore break » en surflangue) étant monstrueux et dressant une barre infranchissable sur des kilomètres de rivage. Les rafales sont tellement brutales qu’elles arrachent et détruisent un des panneaux solaires ! Le 4 août il est temps de reprendre notre progression vers le Nord …et contre le vent (!) en contournant soigneusement la pointe de Nazaré, mondialement célèbre pour les vagues monstrueuses qui s’y ruent. Deux à trois mètres de déferlantes ourlent ce jour-là les babines du monstre dont nous évitons prudemment de troubler le sommeil …
Nazaré – Ce jour là, au fond , le « monstre » dort …. Chuuut
Une journée de grosse mer et un bon 30Nds nous font espérer l’arrivée en fin d’après-midi à Figeira da Foz.
En principe, le port est abrité des vents de nord qui soufflent généreusement sur la région. Comme prévu d’ailleurs, sous la pointe Ponta Do Costado la mer se lisse, et je pense n’avoir à affronter qu’une dernière accélération, sous le vent de la pointe, juste avant l’avant-port. Le temps de rouler la trinquette, et c’est sous grand-voile seule que Loargann doit affronter des rafales à plus de 40Nds qui font fumer la mer et il faut bien reconnaître que l’on prend une petite déculottée, brève mais vive, qui ne s’atténue un peu qu’à l’abri des immeubles de la ville. L’accostage au ponton visiteur puis au catway est une vraie révision des techniques de manœuvres au port. Dans des vents de travers soutenus, pas le droit à l’erreur et surtout il faut garder jusqu’au dernier moment une bonne vitesse qui stresse les équipiers, et aussi le capitaine, avouons-le, car il ne faut battre en arrière qu’au tout dernier moment voire venir franchement au contact sur les défenses, encore nommées pare-battages, gros boudins gonflés, qui se souviennent encore de cette fraternisation virile avec les pontons. D’autant plus que la place qui nous est assignée nous laisse 10 centimètres de marge avec le bateau voisin déjà à poste.
Mes défenses, qui ne sont pas très propres, laisseront à l’occasion quelques traces pour lesquelles notre voisin sourcilleux tente de me faire un procès. J’empoigne vite le polish et fait disparaître à l’huile de coude les traces de mon forfait mais il faut que je lui propose dans mon anglais le plus flegmatique, quoiqu’approximatif, de passer aussi l’aspirateur dans sa cabine pour qu’il baisse d’un ton, en m’indiquant néanmoins qu’il informerait immédiatement le propriétaire. Le lendemain matin, celui-ci ayant constaté l’absence de toute trace notable nous exprime même sa sympathie, que nous lui retournons sans barguigner …
La remontée vers Porto est de nouveau une épreuve pour certains estomacs mais à bonne vitesse et c’est tout de même sous trinquette et un ris que nous entrons dans le port de Leixoes dès « potron minet » au lever du jour du 6 août.
Porto marque la rotation d’équipage, nous embarquons nos épouses pour 2 semaines et « libérons » le fiston, et offre un bain de touristes à la limite de l’indigestion … Le centre-ville et ses ruelles étroites et fraîches valent néanmoins la visite avec encore sensible l’influence maure et une Reconquista discrète …
Une petite étape d’amarinage, sous spi et le soleil avec un improbable vent de sud nous attend entre Leixoes, port industriel de Porto, et Povoa Do Varzim, dernière étape portugaise avant les îles Atlanticas que je n’ai pas eu de mal à promouvoir auprès du nouvel équipage …
Le lendemain 10 août, les brises évanescentes nous encouragent à passer la nuit à Baiona dont on nous a vanté l’ambiance nocturne. Le tarif vaut bien celui de Cascais mais le service est de qualité et les places au ponton gigantesques.
Et en effet, ça boit et ça chante dans les bodegas, chacun ripaillant de tapas dans une ambiance très décontractée !
Un petit saut, et nous voilà de retour à San Martiño le 11 pour un bain bien mérité puis une nuit un peu rouleuse au goût des dames qui ne se sont pas amarinées, elles, en traversant le Golfe de Gascogne. Brest/Porto en avion ménage temps et estomac mais ne prépare pas aux épreuves océanes (supplices disent-elles …). Au lever, grimpette au phare de Cies, puis wing surf (planche à foil) dans la brise qui se lève. Et qui se lève même franchement au point de faire déraper l’ancre notablement. La tension monte d’un cran quand je constate que la glissade se poursuit droit vers les cailloux. Finalement, la Playa De Las Rodas, plus fréquentée mais plus abritée nous accueille pour la nuit du 12 au 13.
Petite étape le lendemain vers Combarro, dont l’ancien village et ses « hórreos », ancien silos à grain de la taille d’une cabane de pêcheur, attirent une nuée de touristes.
Puis vient le mouillage de l’Ensenada De Barra, point de convergence de nombreux bateaux et de nudistes décontractés le jour mais bien calme la nuit et parfait le matin pour sortir le kayak.
La plage des nudistes, déserte le matin …
Micro-étape ensuite vers LIMOES
La Ria de Vigo surplombée par la citadelle
Les prévisions météo pour les jours suivants ne sont pas favorables alors qu’il nous faut faire route au sud pour déposer les femmes du bord à Povoa De Varzim, terminus du tram qui les emmènera vers l’aéroport de Porto.
Le vent de sud doit se lever le 18 puis tomber totalement le 19 alors qu’il nous faut être à Povoa le 20 au soir au plus tard. Le vent doit retourner nord en fin de journée du 19 mais rester faible.
Décision est prise de tenter de rejoindre Povoa, contre le vent, mais avec l’assurance d’avoir une bonne brise. Tout va bien jusqu’à la sortie de la ria de Vigo mais le vent forcit plus vite et plus fort que prévu : passage sous trinquette, puis rapidement un ris, puis le deuxième devient nécessaire. Inutile d’attendre une mutinerie, je cède volontiers aux suppliques de mettre fin au martyr, et c’est dans une mer très courte mais très creuse, comme souvent dans ce secteur, et sous des rafales à 35 noeuds que l’on fuit vers le mouillage de Baiona pour se mettre à l’abri. Le matin du 19 est pire que tout : pas un souffle et une pluie battante. Le dilemme entre l’attente de jours meilleurs et le départ au moteur est vite soldé : il nous faut appareiller pour Viana do Castello, à une trentaine de milles, si l’on veut avoir de la marge le 20 août.
Cela faisait plus d’un mois que l’on n’avait pas sorti les cirés, mais là on est gâté : pluie, pétole gluante et houle résiduelle vont nous accompagner jusqu’à Viana, atteint en milieu d’après-midi sous un ciel qui daigne enfin se dégager.
Après le coup de vent, la pétole
Nous sommes placés dans l’ancienne darse, près du bateau musée, en pleine ville. La situation nous aurait réjouis si ce n’avait été jour de grande fête pour la Santa Agonia : « Le culte dédié à Notre Dame de l’Agonie remonte au XVIIIe siècle. Il est associé à la dévotion des gens liés à la pêche, qui remerciaient et rendaient grâce à la Vierge, dans les moments difficiles pendant les tempêtes ou les naufrages. » nous indiquent les guides touristiques.
La foule est dense, la circulation dans la ville compliquée, et la nuit agitée entre feux d’artifices, son des tambours et cris des derniers fêtards jusqu’aux lueurs de l’aube. Franchement, nous avons bien expié toute la nuit et malgré cette épreuve mortifiante rendons tout de même grâce aux dieux en espérant éviter les « jours difficiles » !
Et de fait, le lendemain, le vent est portant, le soleil radieux, et c’est sous spi que nous accomplissons notre chemin mystique vers Povoa car il faut le reconnaître, la mortification et la repentance, ça marche plutôt bien, en tout cas mieux que la météo !
Tant et si bien que nous assurons les amarres à Povoa en tout début d’après-midi. Le 21, après l’aller-retour à l’aéroport, la tentation de profiter d’un peu de vent nous pousse à appareiller. Le régime des brises est très aléatoire en Galice, sans doute dû aux grandes différences de températures entre la terre (30°C le jour), et la mer 16 à 17°.
Alors quand ça veut, même si c’est de face, il faut foncer … et cela va souffler jusqu’au petit matin du 22, ce qui nous permet de rejoindre l’île de Ons dans les premières lueurs de l’aube. L’apparition du jour est toujours un soulagement et un ravissement, j’aime bien le dernier quart pour cela, même si cette fois le quart a duré toute la nuit avec forces manœuvres à faire dans un vent taquin et… de face.
Un petit somme réparateur à Ons et hop, on rejoint l’île de Salvina, la plus nord des Atlanticas, pour passer la nuit. Demain le vent est annoncé sud, ça nous fait rêver. Les pécheurs de pétoncles nous réveillent en parlant fort. Il faut dire qu’ils draguent le fond à moins de 5 mètres de nous. Ils remontent peu de coquillages, et tentent de se venger sur mon ancre que je sauve de justesse en appareillant.
Pécheurs de pétoncles … et d’ancre, au petit matin à Salvina
Pleins gaz vers Muros atteint sans coup férir, si ce n’est un beau nœud dans le spi qui nous fera bien suer à démêler !
Calme, brise, calmes, brumes … vite au creux du port pour une bonne nuit !
La brume nous talonne à Muros
La journée du 24 est assez semblable à la précédente, d’abord sous gennaker puis sous spi symétrique, la rotation annoncée du vent le portant progressivement plein vent arrière. Notre spi symétrique est « petit », 150m², comparé au spi asymétrique, 210 m², mais malgré la plus grande complexité d’installation et de réglage il permet de couvrir sans problème la plage de vent arrière entre 150° et 180° de l’axe du bateau. A ces allures, le spi asymétrique, déventé par la grand-voile, est moins efficace voire instable. D’ailleurs, nous croisons la route d’un autre voilier qui doit tirer des bords d’une amure à l’autre pour rester dans la limite des 160° et à qui nous grillons impudemment la priorité pour arriver à la marina de Camariñas. Nous irons, par politesse autant que par forfanterie, nous en faire excuser auprès de son équipage, français lui aussi.
Nuit calme après quelques échanges avec nos voisins de ponton, un couple septuagénaire. On pourrait même dire, un trio septuagénaire, le bateau, personnifié pour les anglais, ils disent « she » pour désigner leur navire, accusant probablement mais vaillamment le même âge. Ils reconnaissent que les jolis vernis demandent tout de même beaucoup de soins !
Après un dernier tour d’Atlantique, ils semblent décidés à rejoindre les brumes d’Albion dans un dernier voyage.
Départ dans la grisaille, le lendemain, pour la Corogne, à bonne allure et au près, le vent étant redevenu nord mais la cote s’infléchissant vers l’Est.
L’étape de la nuit sera l’Ensenada De Mera, petite plage bien abritée en face de la citée de la Corogne. Seul inconvénient : le night-club installé sur la plage ! Mais, miracle, tout redevient calme à minuit. Ce qui est vraiment tôt pour des espagnols.
Ensenada De Mera, face à la Corogne, avant dernière étape avant le Golfe de Gascogne et le retour à Brest
Le 26 aout, une courte étape mais animée de vents erratiques nous mène jusqu’à Cedeira, zone d’attente de conditions favorables pour traverser le Golfe de Gascogne. De fait, l’attente sera de courte durée puisque dès le lendemain une fenêtre d’opportunité avec un régime de nord-ouest soutenu se met en place.
Il faut juste éviter de trainer car en Bretagne s’annonce une période de vent de nord faible.
Le départ se fait en fanfare, certes bien secoués mais en ligne droite, au travers du vent, vers l’ile de Sein. Les 8 à 9 nœuds de moyenne nous promettent même un instant une arrivée en début de nuit le lendemain. Une seule nuit de veille, ce serait appréciable.
Les conditions se dégradent malheureusement dès la mi-parcours avec une rotation progressive du vent vers le nord qui nous contraint au près serré et qui nous ralentit.
A la tombée de la nuit, l’ile de Sein est à notre portée et l’heure d’arrivée à Brest prévue avant le lever du jour. C’est encore acceptable. J’ai choisi de passer à l’ouest de l’Occidentale de Sein plutôt que couper par le Raz car les conditions de vent et de marée rendent aléatoire notre passage à l’heure de l’étale. Ceux qui bravent le Raz sans précaution s’en souviennent : quand vent et courant s’opposent les vagues deviennent très agressives et on recueille souvent les témoignages des téméraires ou des distraits qui se sont fait de belles frayeurs ou ont dû faire demi-tour !
Mais le vent est taquin et comme au départ de notre périple il avait tenu à nous retenir, voilà de nouveau qu’il nous plonge dans un calme total. Mer d’huile, courants contraires, et c’est finalement à midi le 29 que nous tournons les amarres sur les taquets du port du Château.
Loargann a retrouvé sa place après 2 mois de navigation et son équipage a retrouvé un lit qui ne bouge plus ….