Premier jour du tour du monde
La révolte des Trolls

1er jour : la révolte des trolls .
Après quelques montagnes russes émotionnelles quelques jours avant le départ lors des ultimes vérifications, je pensais en bon terrien rationnel que l’énergie et le soin portés aux prolégomènes garantiraient une navigation sereine.
Après un printemps aux abonnés absents farci jusqu’à l’outrance en pluies et vents de sud la chance souriait même avec l’arrivée de anticyclone sur la pointe Bretagne propice aux vents portant vers l’archipel de Glénan et aux températures clémentes.
Comme prévu, la sortie du port de Brest à 9H, ce 2 juin 2024, marquait un début de tour du monde sous les meilleurs auspices.
Les dieux semblant satisfaits je hissais le spi et filais bon train vers le Raz de Sein pendant que les fistons postés au phare du Minou,en fixaient les fugaces images .
Gentiment la brise montait en puissance, les prévisions donnaient 15 noeuds, mer belle et pour une fois, cela semblait exact excepté la direction du vent plus Nord-est que Nord. La course était donc ponctuée de quelques empannages, manœuvres maintes fois révisées. (cf. article empannage)
Un petit coucou de Cavok 5 ( JPK 45 N°8 si je ne m’abuse) qui revient de Madère et nous voilà face au Raz de Sein.
Un peu en avance sur mon programme et sur l’étale de haute mer, par prudence aussi car le vent est monté à presque 20 nœuds et qu’il faudrait empanner en plein milieu du Raz, j’opte pour une tactique  » bonne sœur » ( cf: temps « de bonne sœur » ou « de curé ») et décide d’affaler le spi.
Vu mes dévotions et la tactique fort chrétienne j’étais persuadé de la magnanimité bienveillante des divinités célestes.
C’était sans compter la révolte des trolls !
On pense benoitement que tout cela n’est que billevesées ou calembredaine inventées par quelques auteurs alcoolisés de sagas nordiques.
Que nenni. Prenez garde à ces redoutables lutins que j’eus sans doute le grand tort de déranger alors qu’ils dormaient peinards dans le sac à spi depuis un bon moment.
Ainsi donc, au choqué des écoutes, quelque esprit taquin, probablement syndiqué à la Troll Union ligues, s’ingénie à en faire du tricot avec l’ancre.
A mais, on ne va pas se laisser impressionner !
Grâce à la latte sur l’étrave ( cf. article sur l’empannage dans le blog ) et quelques coups de gaffe bien placés ce premier piège est vite déjoué.
Argh ! Pendant que j’avais la tête en bas un autre plaisantin a enroulé le spi autour de l’étai !
Une petite abatée pour masquer le spi derrière la grand voile, quelques efforts sur la chute et hop, retour à la normale malgré les claques de vent de plus en plus soutenues.
Reste à mettre la chaussette.

Pour les non-initiés qui pensent que je suis en train de « prendre mon pied » je précise que la chaussette est un grand tube de tissu que l’on enfile sur le spi pour le maitriser avant de l’affaler.
Re-argh ! Rien à faire, elle est coincée en tête de mât, impossible de la manœuvrer. Décidément, nos syndicats locaux sont des enfants de chœur comparés aux acharnés auxquels j’ai affaire.
Alors là, je sors l’arme fatale, une bonne bordée de jurons, et je répète les procédures peaufinées à l’entrainement : affalage à l’ancienne en saisissant le spi et en le fourrant dans le bateau en le gardant bien masqué par la grand voile. Vlan ! A grand coup de battoirs de mes bras les 200m² de spi disparaissent à l’abri du vent au fur et à mesure du filage de la drisse.

Comme à la parade!
Assommés de jurons et quelques peu rassasiés les trolls baissent pavillon. Il en restera bien un sournois qui rongera la gaine d’un bout m’empêchant plus tard de lancer le gennaker, mais ce sera le baroud d’honneur.
Et c’est dans la pétole que s’achève la journée, à deux pas de la Pie , au Glénan . Une bonne halte bien méritée !