Cap au Nord
Fin de l'histoire
Déjà en quittant Grenada, les signes du destin semblaient m’exprimer
quelques avertissements :
J’avais déjà eu mon lot d’ennuis dés le départ de Guadeloupe (voir « cap
au sud » ) mais à présent c’est le gênois qui suit le mauvais exemple de
la trinquette : la têtière me lâche.
La manœuvre est connue : trouver un mouillage abrité, grimper au mât
pour récupérer la drisse, recoudre la voile et la remettre en place et
repartir gaiement pour de nouvelles aventures.
Sur mon chemin il y a Trinidad et Tobago.
Va pour l’extrême ouest de
Tobago.
De toute façon il n’y a pas d’abri sur la côte Nord de Trinidad.
Il va juste falloir jouer avec les courants très forts dans ce coin-là
(3 nœuds), et le vent de face !
Une journée à tirer des bords et, juste devant le spot le plus
touristique de l’ile, l’opération est rondement menée.
Dès l’aurore, on peut remettre cap au sud !
A l’approche de l’équateur le temps est de plus en plus instable avec
des grains violents et des rafales.
La mer et forte et il faut tirer des bords pour éviter les violents
courants de sud qui contournent la pointe nord-est du Brésil
Soudain le gênois proteste en cédant à son point d’écoute !
S’engage
alors une rude bataille sur le pont pour rouler et sécuriser la voile
que menacent les grains orageux.
Je troque la « voile de plaisance » pour « la galère », giflé d’embruns et de bourrasques rageuses.
J’aurais fait une bien piètre figure de proue !
Dur métier que celui-là !
Une fois retrouvé l’abri du carré le point de situation est vite fait :
rejoindre mon objectif, Recife, au Brésil, va prendre beaucoup de temps.
Le seul abri acceptable pour réparer est en Guyane. Et encore :
Kourou est à 3 ou 4 jours de mer et n’est pas une escale idéale.
Faire demi-tour vers Grenada alors que va commencer la saison
cyclonique ne m’enchante pas vraiment…
Je me laisse le temps d’un bord pour réfléchir…
Puis, finalement, au lieu de virer vers le Brésil, je laisse l’étrave
pointée vers…les Açores.
Cap au Nord !
Cela m’est apparu comme une épiphanie : il était de plus en plus
difficile de supporter d’être loin des miens.
il fallait encore, au mieux, 6 mois pour passer dans le Pacifique, 1
an de plus pour rejoindre l’Océan Indien, et encore au moins 6 mois pour
remonter l’Atlantique. Partager quelques escales ne compensait plus les
contraintes et la solitude des navigations.
Alors tant pis pour le rêve, la Patagonie , la Polynésie.., place à
la détermination à rentrer à la maison !
Double ration de chocolat contre la dysphorie et objectif Brest !
Evidemment, je tombe sur un anticyclone farceur qui se détend les jambes
en orbitant autour des Açores.
Si bien qu’il me faudra 20 jours pour
rejoindre Horta !
Quelques réparations, un avitaillement et vite il faut profiter du
créneau météo le 1er juillet pour cingler vers Brest.
D’abord monter Nord pour contourner l’anticyclone et ses calmes, se
précipiter vers l’est dès que possible sous gennaker ou spi…
pour finalement retrouver le vent de face puis l’anticyclone qui m’a rattrapé
juste en arrivant à Brest, atteint en 10 jours et 400 milles de plus que
la route directe !
La météo est une science divinatoire et comme pour
les ennuis techniques, j’ai dû rater quelque chose dans les rites
propitiatoires pour m’attirer ainsi l’ire des dieux.
A présent Loargann se refait une beauté après plus d’un an de courses
océanes…
Fin de l’histoire :
Le voyage étant interrompu, le goût de l’aventure aussi.
Après mûre réflexion j’ai décidé de tourner la page, sans autre projet de navigation, je vais me séparer de mon fidèle coursier,
qu’il puisse nourrir d’autres rêves à présent en taillant toujours un fier sillage.
Loargann est en vente.
Souhaitons lui l’amour de nouveaux capitaines.
Me viennent les vers d’Appolinaire
« …Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
… »

Thomas
3 août 2025 à 9h47
Merci Frédéric pour cette année d'aventure par procuration.Thomas
Roulant fred
14 octobre 2025 à 22h50
Bonjour Bien bel aventure et très beau récit, que je viens de découvrir grâce à Christophe , propriétaire lui aussi d un fidèle JPK 45. Il est aussi à la recherche d aventures un peu plus nord puisqu’il compte rejoindre à terme la Norvège .il aura embarqué des skis de réndo pour que le corps s exalte aussi. Pour ma part je suis à la recherche d un jpk 45 et souhaiterais avoir des renseignements sur Loargann et serais disponible pour venir le visiter début novembre . Je vous laisse me contacter et m envoyer le descriptif du bateau et de son armement. Laissez moi vos coordonnées,je ne manquerai pas de vous contacter en retour. Bien à vous .